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- Brouillon -
4 novembre 2006

Nietzsche - Humain, trop humain I


imagesHTH


Humain, trop humain I (Nietzsche, Folio Essais, 1878) :
http://johannfr.free.fr/J/viewtopic.php?t=153

Bon. Il est clair que ce livre marque on ne peut plus clairement la rupture avec Wagner. Et pour cause, nombres de visions et de critiques énoncées dans les précédents livres sont tout simplement renversées : Nietzsche voit l'inutilité de sa précédente démarche qui consistait à hurler contre le monde sans rien pouvoir y changer (surtout après l'échec de Bayreuth). Désormais, il essaye de prendre acte du monde et de ce qu'il dénonçait (particulièrement les sciences) au nom du principe d'évolution, de changement. Nietzsche lutte donc contre lui-même, contre son réactionnisme, et par conséquent il doit renier les amis, les proches qui aimaient cet ancien Nietzsche (c'est là le sens de "l'esprit libre") - on assiste donc à des attaques de l'auteur contre son ancien caractère ainsi que contre tout ce qui pourrait le maintenir (sa mère, sa soeur...) et à l'élaboration d'un certain idéal de caractère qu'il aimerait atteindre (ou exposer à jour).
Cette tension engendre parfois des passages lourds et grossiers, un peu trop dogmatiques, voir contradictoires. Mais également des passages clairvoyants, beaucoup plus nombreux (toutes les fins de chapitres sont belles et synthétiques).

Mise en avant de l'habitude, de la coutume à la manière de Montaigne et de Hume (il inclue aussi le thème de l'hérédité, de l'atavisme - dont des formes anciennes peuvent ressurgir : Schopenhauer par exemple), bien qu'il l'oppose de toute ses forces avec la "vérité" (la coutume procure du plaisir, donc tout le monde en déduit que la vérité est plaisante, et ainsi tourne le cercle vicieux), ce qui lui permet de penser l'inclusion de la nouveauté, de la maladie, comme moteur de l'évolution dans un rapport de forces (coutume/nouveauté).
Se dégage alors une conception de la société comme un corps avec des états de santé : la nouveauté, l'exception étant un virus qui va tester la santé du corps et participer ainsi à son évolution (critique de toutes sortes de sociétés supprimant la nouveauté, se fermant sur elles-mêmes et refusant l'évolution, parce qu'étant trop faibles pour l'intégrer : c'est-à-dire critique des nationalismes - on note une apologie claire du judaïsme à un moment).
Nietzsche, par contre, ne croit plus au rôle de l'Etat et prédit sa future disparition à cause de sa séparation avec la religion (qui lui permettait de revêtir un manteau de légitimité et de se faire obéir, respecter). Du fait de cette séparation, l'Etat est désormais le pur jeu des intérêts individuels, ce qui contribuera à sa ruine et au primat de l'égoïsme de l'individu - qui n'est pas une mauvaise chose en soi selon Nietzsche, il s'agit d'avoir confiance en cela (toute cette vision peut mener à une réflexion sur l'actualité : la fermeture de Sarkozy aussi bien que de Ségolène, tentative de relégitimer le politique au nom de principes, libéralisme, etc.).

Pour justifier l'exception de caractère individuel, Nietzsche développe ce qu'il appelle la doctrine de "l'irresponsabilité totale" - en s'inspirant probablement de Spinoza - qui nie toute liberté de la volonté, car une telle conception confond la cause et l'effet (et donc il tape sur le christianisme, valet de la coutume). En gros, je dirais, une nécessité interne de l'individu qui entre en conflit avec la coutume (son "Moi supérieur" dit Nietzsche : ce qu'il est et qui demande à être à la lumière). D'une certaine façon, donc, l'individu doit accepter son déterminisme et le faire advenir.
Mais, ayant abandonné son langage trop illuminé de l'art, Nietzsche fait prendre de la valeur à la science (on voit un certain positivisme dans sa conception de l'évolution : religion/métaphysique/art/science...), plus exactement à sa méthode "froide" et "objective" (en opposition à la surchauffe qu'entraîne l'art) - qu'il avait fermement critiqué avant. La science reste dangereuse pour la vie qui a besoin de se parer d'illusions (l'avertissement du début du livre est clair à ce propos, c'est le sens du titre), d'où le thème de Dionysos qui repointe timidement par endroits mais plutôt allié à une certaine nostalgie (l'art et l'artiste deviennent en effet quelque chose d'arrièré, qui ramène à la surface d'anciennes périodes de l'histoire, de civilisations, mais ne touche plus à l'en-soi - et il comporte de plus un caractère métaphysique qui inclue avec lui des traces de sentiment engendrés premièrement par la religion). Nietzsche envisage même que l'art ne soit plus nécessaire, tout comme le génie, dont la figure peut également être comprise comme une dangereuse superstition (lorsqu'il est considéré comme un "miracle" au sens religieux).

Nietzsche met également en place dans ce livre ses principes psychologiques. Qui sont plutôt cocasses lorsqu'ils concernent les femmes (mais bon, avec sa soeur, sa mère, Lou Salomé... on peut pas vraiment lui en vouloir ^^). Il est assez curieux, d'ailleurs, que Nietzsche prête consciemment les caractères habituellement masculins aux femmes et vice-versa : il en conclue que si aucun ne s'illusionnait, il verrait qu'il cherche chez l'autre le caractère idéalisé et prolongé de son genre. Par conséquent on peut se demander si l'homosexualité n'est pas finalement une prise de conscience de cela.

Quoi d'autre... Nietzsche, de par sa méthode, dénie absolument toute pureté où que ce soit, dans le sens où quelque chose serait épargné par la bassesse et le crime humain : car chaque idée à une histoire, une genèse. Ce qui lui fait penser, malgré son aristocratie prononcée (^^), une ouverture entre les différentes frontières (par exemple pour le type "européen", ou bien même au niveau des classes sociales) hiérarchisées selon une capacité plus ou moins élevée de souffrance pour l'individu.

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