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- Brouillon -
23 novembre 2006

Extraction (I)

L'accident d'une autre personne nous offense, il nous ferait sentir notre impuissance, peut-être même notre lâcheté, si nous n'y portions remède.
(Nietzsche, Aurore)

Quelqu'un, un jour, me disait : "Toi, quand tu croises un con, tu as l'impression que c'est de ta faute s'il est con". Et, là, je me souviens de la phrase de Vaquette, disant qu'il est très dur de se mettre véritablement à nu.

En tant qu'ils sont ressorts de l'action, les sentiments d'impuissance et de lâcheté (c'est-à-dire ne pas vouloir paraître lâche ou impuissant à soi-même, et donc, puisqu'il s'agit de paraître, aux autres avant tout) proviennent certainement d'une erreur - mais d'une erreur nocive. Erreur nocive qui, comme toute erreur nocive, provient d'un Dieu qui n'a pas été tué ; et qui s'est constitué en tant que Dieu à partir du moment où l'on a fait l'expérience de son humanité, c'est-à-dire de son appartenance à la condition humaine dans ce qu'elle a d'hasardeux, de douloureux et donc de contradictoire avec elle-même. La nocivité provient dès lors de l'erreur de l'opposition entre force et justice : "ne peut être fort que celui qui est juste".
Ainsi l'épreuve de l'injustice, en tant que celle-ci appartient et est produite par la même sphère contenant jusque-là la justice, entraîne en premier lieu l'idée d'un sentiment de vengeance puis, ce sentiment de vengeance manquant à obtenir réparation - car, par le pouvoir qui nous est imparti, il ne saurait jamais être à la mesure de la perte que nous avons subie, d'autant que le temps continue de s'écouler - il cherche donc un lieu où il pourrait enfin donner libre cours à son action. Lieu qu'il trouve, si sa course reste libre, dans le soi en tant qu'actes (c'est-à-dire précisément ce qui n'est pas soi mais qui devient de ce fait constitué comme soi car refusant la distinction, fut-elle arbitraire, soi/monde-étrange).

Ainsi, le monde-étrange devenant amputé de ce qu'il a "d'étrange" - mais le membre-fantôme restant subsumé sous les concepts "d'autre" ou de "différent" - permet de donner une sphère au sentiment de vengeance. Nécessairement, donc, cette sphère devra être et sera conçu comme injustice.
Injustice dont il s'agira de se venger afin de la réparer et de rétablir la justice - c'est-à-dire un état ancien, passé et définitivement révolu. Devant l'impossibilité temporelle et intrinsèque de la tâche (dûe aux changements ainsi qu'au hasard), le sentiment de vengeance aboutira petit à petit au sentiment de culpabilité provoqué par le sentiment de faiblesse devant l'échec à rétablir la justice (car toute action sera comprise comme profondément insatisfaisante, quelle qu'elle puisse être).

En conséquence, le sentiment de faiblesse, ne cessant de faire grossir et ressentir plus violemment le sentiment de culpabilité et de honte, cherchera non pas à se résoudre lui-même - car le sentiment dominant, celui de la vengeance, reste actif tant que son désir n'est pas satisfait - mais à se masquer dans les actes, c'est-à-dire dans le regard extérieur et dans le paraître corrélés à la sphère de la justice (ce qui signifie la force ressentie comme injuste, la fausse opposition et la fausse hiérarchisation de la justice sur la force). Ainsi tout acte devra s'achever (se clore) dans un simulacre de rétablissement de justice (il sera dans ce cas trop court pour être véritablement significatif) ou bien, si même le simulacre n'arrive à se conclure (dans ce cas l'acte serait trop long), l'acte sera abandonné, à moins que le simulacre ne se dévoile lui-même en tant que simulacre et donc en tant que vengeance par le biais de la punition.

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