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- Brouillon -
19 novembre 2006

Nietzsche - Humain, trop humain II


HTHII


Humain, trop humain II
(Nietzsche, Folio Essais, 1878) :
http://johannfr.free.fr/J/viewtopic.php?t=164

Plutôt content d'avoir fini Humain, trop humain. Nietzsche et sa cure scientifico-rationaliste, douche froide pour refroidir les ardeurs de ses premiers livres et faire face à ses désillusions de Bayreuth, me laissent une impression en demi-teinte ; contrairement à ce qu'il dit, Nietzsche n'est pas encore vraiment là, et n'a pas vaincu ce qu'il écrit (de plus, l'oeuvre est un processus, pas un aboutissement - Montaigne l'a bien compris). Trop de mépris dans ce livre, de regret, qui portent une lucidité vide (je crois que lorsque j'entends mes profs parler de Nietzsche, Humain, trop humain est rarement cité). Nietzsche cicatrise, il est convalescent.

'Fin bon, c'est quand même Nietzsche. Je vais écrire en suivant (à peu près) la division du livre.

- Opinions et sentences mêlées >
L'ennemi est la tentation qui guette Nietzsche : le pessimisme romantique, l'éther qui s'écarte du réel suite à une désillusion. Pour lutter contre cette tentation, Nietzsche mobilise la science et le rationnel (la vérité) contre l'art et la morale (métaphysique, religion, foi...). Tout ça ordonné par un instinct de justice.
Nietzsche met à jour une morale purement utilitariste, qui, après avoir oubliée ses fondements (l'intérêt de la société, la paix), se transforme en devoir et passe dans le sang des individus. Néanmoins, l'individu étant un courant constant d'histoire, il provoque des remous dans la morale qui se dresse devant lui - c'est là le moteur du changement et de l'évolution (et c'est ainsi que toute bonne chose étant d'abord une nouveauté lorsqu'elle naît, elle est donc par le fait de sa nouveauté, immorale et en torture le porteur), que Nietzsche légitime avec le thème de l'irresponsabilité totale.
S'ensuit une apologie du "goût", signe de sagesse, car cela montre que l'on sait ce qui est bon (au sens de santé) - ou mauvais (dans le sens du mauvais goût) - pour soi, que l'on a un "soi" (qui, en tant que courant d'histoire, ne cesse de devenir). Mais il ne s'agit pas de s'enfermer dans la contemplation d'un connais-toi toi-même après s'être une fois mouillé dans le flux de la vie, les individus actifs veulent également un "moi", quelque chose à construire. Et donc quelque chose à détruire, pour éclater les corsets et grandir : rapportant cela aux états, Nietzsche critique encore une fois les nationalismes.

Quant aux états, justement, Nietzsche voit d'un oeil méfiant l'avancée de la démocratie (ça me fait penser qu'il dit qu'il faudrait prendre en compte les votes blancs d'ailleurs ^^) et réclame le pouvoir à "ceux qui savent" - non au peuple, ignare et assujetti à la presse (Nietzsche aime pas la presse non plus, la "fausse alerte permanente"). Ce dernier perd du même coup sa place de dépositaire de l'art (non pas parce qu'il en est devenu indigne mais parce qu'il en est indigne - rupture avec les idées précédentes de Nietzsche) et la musique son universalité (elle redevient particulière à une époque).
L'état, lui, pose problème en soi en tant qu'il ne veut pas l'indépendance de sa créature (l'individu - qu'il s'agit justement de délier de ses chaînes ; et tout moyen qui permet de délier "la langue" de l'individu est bon). Ainsi éducation et armée offrent toutes deux des moyens de pseudo-réalisation aux différents types d'individus pouvant menacer la sécurité de la société (donc le rôle de l'état).

- Le voyageur et son ombre >
Le livre s'ouvre et se referme sur un dialogue entre le voyageur et son ombre, tout ce qu'il y a entre est le résultat de ce dialogue - il faut apprendre à aimer l'ombre sans rejeter la lumière, aimer le tout que cela forme.

L'enjeu est de retourner aux petites choses qui nous touchent que les grandes exhortées par la métaphysique et la religion nous font oublier ; et à travers elles : nous. Seulement ces grandes choses ont longtemps eu pour alliés le langage, le sentiment, le libre-arbitre... ; si bien qu'il est facile de s'en croire débarrassé alors que nous en sommes toujours les marionnettes (changer les mots sur un sentiment ne signifie pas que ce sentiment soit maintenant autre - surtout le poison : le "sentiment religieux").

Le libre-arbitre est compris ici comme invention des forts/puissants/dominants, ceux dont le sentiment de la vie est à son apogée (joie) parce qu'ils se meuvent exclusivement dans leurs limites, croyant ainsi être libres là où ils sont justement le plus solidement enchaînés par leur nécessité (passion, raison, écarts...) : mais ils ne sentent plus leurs chaînes à force de l'habitude, ils dansent avec elles (l'artiste, lui, doit créer des chaînes et danser avec).
Néanmoins, cela ne signifie pas que leur vie repose sur une vérité - toute vie peut se briser - mais uniquement que l'erreur est nécessaire, en tant qu'elle permet les sentiments de plaisir et de déplaisir (c'est pourquoi Nietzsche fera également l'éloge de la vanité). Ainsi, tout terrain est apte au bien, il suffit qu'il reçoive une semence qui lui corresponde (l'éducateur ne doit pas être un fanatique du bien mais chercher à transformer la souffrance en joie ; ce qui ne signifie pas écarter la douleur - d'où la répulsion de Nietzsche pour la pitié, car celle-ci a besoin de la souffrance afin de faire croire à l'individu qui la ressent qu'il est bon).

C'est là l'intérêt de la psychologie chez Nietzsche, qui a une fonction morale dans le sens où elle est capable de saisir à la fois le type de terrain et les ressorts du plaisir de ce terrain auquel elle est confrontée. Alliant ceci à une théorie de l'évolution de la société et des individus, Nietzsche tient son arme pour lire le monde (c'est là le sens, sans doute, des critiques culturelles qui parsèment son oeuvre - ce qui est "classique" symbolise la fin et l'énonciation parachevée des vertus d'une époque ; le "romantique" symbolise le regret de cela et s'oppose au devenir) : si au départ la morale était celle de l'intérêt de la société, elle doit maintenant aboutir à une morale du goût individuel (on trouve dans cette partie un éloge de Socrate, d'Epicure, de Montaigne, des moralistes français...).
Nietzsche développe à partir de cela une vision idéale du monde, en tant que diversités de sociétés représentant chacune un climat particulier de civilisations "passées" et dans lesquelles il convient d'envoyer chaque individu selon ses nécessités (le monde comme pharmacie, l'histoire comme pharmacologie, les différentes civilisations étant les remèdes ou les climats favorables aux individus) - étymologiquement "homme" signifie "celui qui mesure".


* Remarques en vrac (c'est le ressurgissement de l'égo) :
- Nietzsche fait appel à des sens étranges : l'odeur des mots, l'oreille... Pas souvent le regard.
- Il parle beaucoup des vaches ! (moi j'ai toujours trouvé qu'une vache, c'est con ; enfin je regarderai si je vois dans l'oeil des vaches "l'expression de l'étonnement arrêté à mi-chemin de la question" ^^).
- Les partisans du libre-arbitre n'ont pas le droit de punir, c'est une contradiction.
- Toute conscience vient de l'enfance et on la détruit lorsque on se demande "pourquoi ?" et "parce que".
- C'est le mystère (religion) qui engendre la pudeur (penser au sexe).
- Théorie de la machine chez Nietzsche (qui déshumanise en cassant le particulier).
- Tout est flux déterminé.

vache








(Les vaches ont parfois l'expression de l'étonnement arrêté à mi-chemin de la question - Nietzsche)

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