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- Brouillon -
18 octobre 2006

Nietzsche - Vérité et mensonge au sens extra-moral


VeMSEM



Vérité et mensonge au sens extra-moral
(Nietzsche, Babel, 1873) :
http://johannfr.free.fr/J/viewtopic.php?t=147

Très bon petit livre ! Je me demandais, justement, quel livre de Nietzsche était à même d'introduire un lecteur à celui-ci, de façon pédagogique (ou intuitive) et non didactique (car Nietzsche n'enseigne pas, il éduque).  Ce court livre (il ne dépasse pas 30 pages en étant aéré), non publié par Nietzsche mais dont la rédaction était achevée en 1873, est parfait : il condense, sous une forme simple, des germes importants de la philosophie de Nietzsche - lorsqu'on la connaît un peu (le livre, si on n'est pas déjà familier avec Nietzsche ne se lit pas tout seul, sauf si on sent en l'auteur un ami) -, les directions dans lesquelles il va partir : critique du langage, rapport esthétique de l'homme à la nature, attaque de la morale et de la vérité, primat de la vie, différences entres homme théorique / homme artiste, éloge de l'exubérance, l'intellect comme travestissement, etc.
On trouve, à la fin, une analyse du livre. Je n'ai pas cherché à tout comprendre (les analyses m'ennuient), mais elle sera probablement assez obscure et ardue pour un néophyte - même si elle est intéressante. Bref.

Ce qui frappe, c'est de voir clairement les références philosophiques de Nietzsche (en écrivant ça, je me rends compte que Schopenhauer semble assez absent de ce livre) : Hobbes (pour l'intellect provenant de la faiblesse de l'homme et le contrat social établissant la paix), Rousseau (pour l'incompatibilité exacte concept / réalité à cause de l'oubli des différences), Hume (pour l'habitude qui engendre la croyance) et Kant (pour les formes de l'espace et du temps plaquées sur les objets) - bien évidemment, je ne cite ces auteurs que parce que je les connais un peu et que je sais que Nietzsche les a lu. Il y a même un passage qui rappelle fortement ce que Freud, plus tard, appelera le "ça" (le chaos effrayant en deçà de la conscience).
Il y a aussi une référence qui englobe ce livre, et cette référence, c'est Montaigne. Nietzsche aborde les questions de la même manière, sur les mêmes thèmes : la considération de la philosophie comme poésie, la consolation comme détournement (là, j'extrapole), la surprise devant l'arbitraire des mots, le fou comme rapport privilégié au monde, etc. Mais je ne peux pas m'empêcher de sentir que Nietzsche reste "sous" Montaigne, il n'a pas son expression poétique ni cette manière de jouer avec les limites. Et puis, Nietzsche se demande encore, "comment se fait-il que la vérité soit possible puisque le mensonge est sa terre ?" alors que Montaigne dissoud cette question même, il l'a vaincue également et il est plus serein que Nietzsche (mais bon, qui suis-je ? Je préfère Montaigne, quoi ^^). Différence entre Nietzsche et Montaigne : la vie est vue chez Nietzsche comme flot, tandis que chez Montaigne, tout est vent.

Petite surprise dans la reprise des arguments kantiens sur le temps et l'espace à la fin du premier chapitre, qui semble sonner faux à travers ce texte et ne pas régler clairement le cas de la science. Nietzsche ne revient pas sur ce point dans le second chapitre. A moins que ce ne soit lorsqu'il différencie le stoïcien et l'homme intuitif ? Le premier étant plus dans la science que le second ? ; quoi qu'il en soit, la séparation est trop marquée, mais elle permet de mieux apercevoir les oppositions que Nietzsche tracera (pour, à mon avis, la retravailler dans ses oeuvres futures - il est trop subtil pour vraiment la laisser ainsi. La manière dont il le fera déterminera sa situation face à Montaigne sans doute). D'ailleurs je viens de me rappeler que dans la préface aux Essais, Conche situe Nietzsche sous Montaigne, je pense qu'il a raison (notamment : Montaigne allait vers l'autre) mais que la manière dont il justifie ça est fausse (Montaigne ne retrouve absolument pas une forme morale universelle dans son oeuvre - donc, en bon prétentieux que je suis, je situe provisoirement Nietzsche sous Montaigne et Conche sous Nietzsche [et je vous merde] ^^).

Il est permis d’admirer ici ce puissant génie architecte qu’est l’homme, réussissant à empiler sur des fondations mobiles et pour ainsi dire sur une eau courante une cathédrale conceptuelle infiniment compliquée : pour tenir bon sur de pareilles fondations, l’édifice doit certes consister à sa manière en fils d’araignée assez souples pour suivre la vague et assez solides pour éviter la dislocation au premier vent venu (Nietzsche).

Moy qui me vente d’embrasser si curieusement les commoditez de la vie, et si particulièrement, n’y trouve, quand j’y regarde ainsi finement, à peu près que du vent. Mais quoy, nous sommes par tout vent. Et le vent encore, plus sagement que nous, s’ayme à bruire, à s’agiter, et se contente en ses propres offices, sans désirer la stabilité, la solidité, qualitez non siennes (Montaigne).

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